Lutter contre les changements climatiques, une route à la fois

Les changements climatiques constituent une menace grandissante pour la population mondiale. Les discussions tenues lors de la récente conférence COP26 à Glasgow, en Écosse, se sont soldées par un objectif de carboneutralité d’ici 2050, un énoncé qui réitère l’importance de trouver des solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES).

L’urgence d’agir, alliée à l’abondance des ressources forestières au Canada, amènent des chefs de file comme FPInnovations à réaliser la mise en service de nouveaux produits et des solutions novatrices. Une de ces solutions est l’asphalte modifié à l’aide de lignine, une technologie verte qui permettrait d’améliorer la performance des routes, et ce, tout en créant de la valeur à partir des résidus forestiers disponibles en abondance.

Les effets du réchauffement sur les infrastructures routières

Selon un récent rapport du gouvernement du Canada, le climat du pays se réchauffe deux fois plus rapidement que la moyenne mondiale. Parallèlement, un nombre croissant de sources décrivent l’incidence du réchauffement sur les infrastructures routières.

Dans un rapport présenté à Infrastructure Canada (1), Conseil national de recherches Canada démontrait l’impact des changements climatiques et des événements météorologiques extrêmes sur le comportement structural des chaussées souples et la façon dont ils réduisent de manière importante la durée de vie nominale des routes. Il est par conséquent important de tenir compte de l’impact des températures projetées sur les matériaux choisis en comparaison aux matériaux habituellement utilisés. Ces faits prouvent l’importance d’étudier l’impact des changements climatiques sur le choix du revêtement et justifie le développement de l’outil de sélection de d’adaptation au climat (CAAST) du CNRC. L’orniérage, notamment, est plus susceptible de survenir avec les hausses de température. La faible rigidité des enrobés bitumineux associée aux températures élevées (au-dessus des températures normales de fonctionnement) réduit la capacité du matériau à agir adéquatement comme couche de surface responsable de distribuer les charges de surface et minimise l’efficacité des couches inférieures. Les contraintes sans précédent causées par la faible rigidité de l’asphalte sont alarmantes et devraient affecter la performance des couches d’apport situées sous la couche d’enrobé bitumineux. Pour le Canada, qui compte des milliers de kilomètres de chaussée souple, la mise en œuvre d’options viables qui pallieront les effets des changements climatiques sur les infrastructures routières devient critique.

Réduire l’empreinte écologique des routes

Au cours des derniers mois, FPInnovations a lancé un projet visant à substituer une partie du bitume utilisé dans les chaussées par de la lignine, une colle naturelle présente dans le bois des forêts canadiennes (lire notre article précédent portant sur ce sujet). Pour s’assurer une adoption rapide du nouvel enrobé bitumineux par les propriétaires de routes, il était primordial que l’aspect économique, la maniabilité et la performance de l’enrobé ne soient pas sacrifiés au profit d’une amélioration des propriétés vertes. À cette fin, l’École de technologie supérieure effectue des essais approfondis qui aident à élaborer la composition de l’enrobé bitumineux.

L’impact environnemental des enrobés bitumineux à base de lignine a d’abord été quantifié dans le cadre d’études préliminaires réalisées par le groupe Environnement et développement durable de FPInnovations. Ces études ont permis de déterminer les bénéfices potentiels en termes de réduction des émissions de GES liés à la substitution de bitumine par la lignine.

Ces données préliminaires seront validées à partir de démonstrations sur route réalisées durant l’été 2021 dans trois villes canadiennes réparties à l’échelle du pays. Les démonstrations aideront à valider l’utilisation d’asphalte modifiée à base de lignine dans un éventail de conditions climatiques et d’applications, en plus de fournir des données concrètes permettant d’évaluer les réductions de GES et les coûts de construction, la méthode de malaxage et la maniabilité des enrobés bitumineux contenant de la lignine. De plus, elles permettront de faire connaître la technologie à plus grande population, et ce, à proximité de producteurs de lignine au Canada.

Toujours plus loin avec des routes plus vertes

À la suite de la phase initiale d’essais en laboratoire, qui visait à valider le potentiel de l’asphalte modifié à base de lignine pour remplacer les enrobés bitumineux conventionnels couramment utilisés au Canada, trois sections de démonstration à échelle réelle ont été construites dans différentes villes canadiennes. Deux méthodes d’incorporation de la lignine (appelées procédé « humide » et « sec » en fonction du moment où la lignine est ajoutée à l’enrobé bitumineux) ont été mises à l’essai. Chaque site comporte également des sections de comparaison où des enrobés bitumineux modifiés à la lignine sont juxtaposés à des mélanges conventionnels d’asphalte.

Pour chacun des trois sites, le suivi sera effectué durant plusieurs années afin d’évaluer la tenue des enrobés bitumineux modifiés à base de lignine sous différentes conditions climatiques; de plus, le segment réasphalté à Québec sera assujetti à une circulation intense et fera l’objet de travaux d’entretien routier hivernal fréquents.

Essai de simulation de la circulation à l’échelle réelle à Université Laval

Dès octobre, grâce à la construction d’un segment entièrement instrumenté d’enrobé bitumineux modifié à base de lignine, l’Université Laval réalisera un essai de simulation de la circulation à échelle réelle à l’aide de son simulateur de véhicules lourds de haute technologie. Les photos ci-dessous montrent l’instrumentation placée sous la couche d’asphalte et le processus d’asphaltage. Le segment d’essai comporte 3 m de l’enrobé conventionnel utilisé à Québec, juxtaposé à 3 m de la même structure mais avec un enrobé où de la lignine issue du procédé kraft a été substitué au bitume [c.-à-d. 60 mm d’ESG10 (10 % de lignine) par-dessus 80 mm de GB20 (20 % de lignine)]. Cet essai permettra d’évaluer, en seulement quelques semaines, l’effet de plusieurs années de passages répétés de circulation lourde sur l’orniérage d’une chaussée d’asphalte avec lignine.

Le travail se poursuit …

Jusqu’à présent, grâce à l’engagement et à la motivation des nombreux partenaires qui ont pris part aux démonstrations, les résultats préliminaires sont prometteurs. Tous sont engagés à mettre au point de nouveaux produits et de nouvelles solutions qui permettront d’obtenir des routes plus économiques et plus vertes, tout en demeurant sécuritaires.

Pour FPInnovations et ses partenaires de recherche, le travail se poursuit. Au cours des prochains mois, des résultats et données supplémentaires contribueront à améliorer cette technologie.

Il est à espérer que les essais dans les trois sites actuels, ainsi que dans des villes qui ont manifesté un intérêt pour leur propre démonstration, aideront à stimuler l’intérêt de la population et des gouvernements. Leur appui sera essentiel à la mise au point de technologies plus vertes qui permettront au Canada de mieux s’adapter aux changements climatiques, et ce, une route à la fois.

Pour plus d’information à ce projet, veuillez communiquer avec Natacha Mongeau, Gestionnaire, Développement d’affaires chez FPInnovations.

(1) Omran Maadani and Mohammad Shafiee, 2021. Impact of Climate Change and Extreme Weather Events on Flexible Road Performance – sensitivity Study. National Research Council Canada, March 31, 2021.

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